Les révoltés de Shâadrir… Extrait…

     Derrière le cordon dunaire qui longe la mer de Pta, l’étoile Briganne, dispensatrice de vie sur Radrame et sur Shâadrir, finit de disparaître en embrasant le ciel au-dessus des forêts du bourrelet équatorial.
Sous cette latitude, et loin des feux des cités, la nuit vient vite.
Éliane s’est élancée à l’assaut de la dune ocre, a disparu dans une ravine couronnée d’oyats et de buissons flamboyants puis est soudain réapparue à deux pas de la résidence.
À une centaine de mètres de là, au sommet d’un mamelon cal-caire, Younous, dissimulé derrière une frange d’herbes hautes, observe à son insu ses moindres mouvements.
Depuis qu’Éliane a quitté Sandhouse en début d’après-midi pour se rendre à Port-Martin chez son grand-père, le jeune homme ne l’a pas quittée des yeux. Lorsqu’elle n’a plus été qu’un point minuscule sur la plage, il a appelé sa compagne Wafa pour qu’elle prenne la relève, puis il a fait un somme.
Dans le village de pêcheurs, se conformant aux ordres qu’elle vient de recevoir, Wafa s’est attachée aux pas de la promeneuse, de son entrée dans la cité jusqu’au moment où elle en est ressortie quatre heures plus tard pour prendre le chemin du retour.
Lorsque la frêle silhouette est réapparue tout au bout de la grève, Younous, averti, a repris sa discrète surveillance jusqu’à ce qu’Éliane soit à nouveau dans la résidence.
Au cœur de la nuit, dans leur petite maison nichée au milieu de la lande broussailleuse, Younous et Wafa ont rédigé leur rapport quotidien puis l’ont transmis à un mystérieux commanditaire par le réseau télématique qui couvre désormais les zones habitées de la planète.
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Younous Râkin est de taille moyenne. Ses cheveux drus aux reflets mordorés taillés en brosse, son teint bistre, ses traits fins et ses yeux très bleus en amande trahissent ses origines kréasiennes. Issu de parents ayant subi la transformation avant de quitter leur monde, il a hérité de la plupart des caractères propres aux natifs de la planète disparue.
Après des études techniques très poussées en spationautique et en astronomie, il se trouve à présent dans une terrible impasse du fait du désintérêt des autorités lariennes pour les programmes scientifiques.
Wafa Rafa, sa compagne née comme lui dans l’espace, est une splendide métisse à la grâce féline, Kréasienne par son père, Maghrébine par sa mère. Elle est plus petite que Younous, a les yeux noirs, la peau mate, de longs cheveux de jais et l’élégance des femmes des palmeraies de Ghardaïa dans le Mzab.
Anthropologue de formation, elle s’est spécialisée dans la biotypologie.
À titre officiel, ils sont tous deux dans le Yat-Sencor pour étu-dier les mœurs d’une tribu Agridag installée sur le delta, mais la plupart du temps, ils servent les intérêts de la Coalition.
Depuis qu’Éliane séjourne à Sandhouse, Younous vient chaque matin, quel que soit le temps, prendre position au sommet de la petite colline surplombant la grève, tantôt accroupi, tantôt allongé sur le flanc herbu de l’arroyo isolant la propriété de la vaste lande qui court jusqu’au Delta du Yat-Sencor.
Il fait en sorte que rien ne puisse trahir sa présence, prenant soin, à l’aller comme au retour, de sinuer avec prudence au creux des ravines et de vérifier en partant à la tombée de la nuit, que l’endroit est aussi net qu’il l’était au matin. Il est convaincu qu’en prenant ces précautions, ni Éliane ni les deux autres personnes présentes en permanence à la résidence ne remarqueront sa présence.
Un banal incident va pourtant mettre fin à son incognito…

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